Reconfinement : couac sur le différé de remboursement des prêts garantis par l'Etat

Reconfinement : couac sur le différé de remboursement des prêts garantis par l'Etat

Le nouveau différé d'un an sur les remboursements de prêts garantis par l'Etat annoncé jeudi soir par Bruno Le Maire nécessite l'accord de la Banque de France, qui reste muette.

En annonçant un différé supplémentaire d'un an, jusqu'en 2022 , sur les remboursements de prêts garantis par l'Etat (PGE), Bruno Le Maire a-t-il tenté de forcer la main des autorités chargées des questions bancaires ? « Nous avons obtenu de la Banque de France que ces demandes de différés supplémentaires ne soient pas considérées comme un défaut », a affirmé jeudi le ministre des Finances. La banque centrale, censée être indépendante, n'était pas en mesure de confirmer cette position vendredi.

Le sujet est tout sauf anecdotique pour les 600.000 entreprises qui ont contracté un PGE, dont près de 90% de TPE, pour un montant de près de 123 milliards d'euros. Pour beaucoup d'entre elles, ces prêts d'urgence ont d'abord servi à soulager leur trésorerie et se prémunir à bas coût contre une baisse d'activité : la première année, elles ne doivent payer à leur banque qu'un taux d'intérêt « proche de 0 % » et le prix modique de la garantie. Mais alors que les premiers remboursements sont attendus fin mars , le nouveau confinement les inquiète.

Classification des prêts en défauts

En annonçant un délai supplémentaire d'un an, Bruno Le Maire veut leur donner une nouvelle bouffée d'oxygène. Mais pour avoir les coudées franches, les banques ont besoin du feu vert des autorités. « C'est un point absolument capital parce que vous savez que lorsque vous demandez un nouveau différé dans le remboursement de votre prêt, vous êtes classifiés en défaut sur les fichiers de la Banque de France, a insisté le ministre. Nous avons obtenu (que celle-ci) ne fasse plus ce classement et donc ne stigmatise pas les entreprises qui bénéficierait de ce différé. »

Ses propos ont mis l'institution dans l'embarras. D'autant plus qu'une telle décision doit théoriquement être coordonnée avec l'Autorité bancaire européenne (EBA) , chargée d'assurer l'harmonisation des règles bancaires dans l'Union européenne. Or cette dernière a mis fin à la fin du mois de septembre au cadre qui définissait les moratoires sur les remboursements de prêts, décidé dans l'urgence début avril pour faire face aux conséquences économiques de la pandémie. L'EBA doit donner en novembre une première évaluation de leurs usages.

Comment les banques se préparent au reconfinement

La brutalité de la deuxième vague de la pandémie, et l'activisme de la France précipitent les choses, tout en créant une certaine confusion. Car pour les régulateurs, le sujet est sensible. Accorder un moratoire de trois ou six mois pour assurer la liquidité des entreprises est une chose. Répéter l'exercice en est une autre. Les régulateurs craignent qu'à force de mettre les problèmes sous le capot, les banques risquent de se retrouver plus tard face à une montagne de prêts non performants, auxquelles elles ne pourront plus faire face. « C'est reculer pour mieux sauter », craint une source proche du dossier.

Faute du feu vert formel des autorités, les banques marchent sur des oeufs et proposent une approche au cas par cas. « La profession bancaire s'engage à proposer de façon personnalisée les modalités d'amortissement qui correspondent le mieux à la situation du client et à ses besoins», a annoncé jeudi soir la Fédération bancaire française (FBF), tout en se disant ouvert «une nouvelle période d'un an» où seuls les intérêts et la garantie serait payés.

Impact sur les dividendes des banques

Jusqu'ici, les banques européennes ont profité des mesures exceptionnelles des Etats, de l'EBA et de la Banque centrale européenne (BCE) pour limiter l'impact de la crise sur leurs comptes. Si elles ont passé d'importantes provisions pour pertes de crédit au deuxième trimestre, elles ont eu la main nettement moins lourde que leurs homologues américaines, suscitant des interrogations auprès des autorités. Car plus ces pertes sont élevées, plus les établissements risquent d'avoir besoin de capitaux.

Or les banques n'attendent qu'une chose : pouvoir de nouveau verser des dividendes à leurs actionnaires et des bonus à leurs employés. La BCE, en charge de la supervision des banques, veut attendre les nouvelles projections macro-économiques pour la zone euro, qu'elle publiera le 10 décembre, pour donner son feu vert ou non. Selon nos informations, elle est jusqu'ici sceptique. De son point de vue, les besoins en capital communiqués par les banques sont, soit trop optimistes, soit pas assez documentés. La Banque de France, l'EBA et la BCE n'ont pas souhaité commenter.

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