Pas de rupture conventionnelle collective en cas de fermeture d'un site

Pas de rupture conventionnelle collective en cas de fermeture d'un site

L'entreprise ne peut pas mettre en œuvre un accord de rupture conventionnelle collective sur un site dont la fermeture est déjà décidée. C'est ce que vient de préciser la cour administrative d'appel de Versailles.

La rupture conventionnelle collective permet de prévoir, par accord collectif validé par l'administration, des suppressions d'emplois en dehors de tout licenciement et sans justifications économiques (C. trav. art. L 1237-19 s.).Un arrêt en date du 20 octobre 2021 donne l'occasion à la cour administrative d'appel de Versailles de statuer sur les domaines respectifs de la rupture conventionnelle collective et du licenciement économique.

A noter :

Pour un rappel de la procédure de mise en oeuvre d'un accord de rupture conventionnelle collective, voir l'infographie reproduite ci-dessous.

Un projet de fermeture de site déjà décidé

Le 15 décembre 2020, une société exploitant une imprimerie conclut avec les syndicats représentatifs un accord collectif majoritaire portant sur une rupture conventionnelle collective. Cet accord concernait l'un de ses établissements employant 33 salariés. L'accord est validé par le Direccte (devenu Dreets), mais un syndicat non signataire conteste cette décision devant le juge administratif.La cour administrative d'appel de Versailles, saisie du litige, relève l'existence d'un projet de fermeture de l'établissement. Les pièces versées au dossier, notamment une note d'information remise au comité social et économique avant la conclusion de l'accord, indiquaient que le projet de réorganisation industrielle des activités de la société comportait la fermeture du site de production et le transfert des activités et de l'ensemble des collaborateurs.

Le choix entre départ volontaire et maintien dans l'emploi doit être garanti

La cour administrative d'appel décide d'annuler le jugement du tribunal administratif et, en conséquence, la décision administrative validant l'accord collectif.

L'entreprise ayant décidé en amont de la conclusion de l'accord de rupture conventionnelle collective de fermer le site, les salariés concernés par l'accord de rupture conventionnelle collective ne pouvaient pas être regardés comme ayant été en mesure de faire un réel choix entre le départ volontaire et le maintien dans leur emploi.

La cour estime ainsi que l'administration, en validant l'accord, a violé les dispositions de l'article L 1237-19 du Code du travail. Dans le cadre du contrôle de légalité effectué lors de la validation de l'accord, le Direccte aurait dû s'assurer, au vu des documents qui lui avaient été transmis ou de ceux qu'il pouvait demander (C. trav. art. D 1237-9), que la rupture conventionnelle collective excluait tout licenciement.

A noter :

Le juge confirme ainsi la position prise par l'administration dans un Questions-réponses du ministère du travail, dont on rappelle qu'il est dépourvu de valeur normative. Celle-ci avait indiqué que la rupture conventionnelle collective ne doit pas être proposée dans un contexte de difficultés économiques aboutissant de manière certaine à une fermeture de site, qui aurait pour effet de fausser le caractère volontaire de l'adhésion au dispositif et de ne pas permettre le maintien dans l'emploi des salariés non candidats à un départ (QR min. trav. 17-4-2018).

Cette annulation d'une rupture conventionnelle collective vient rappeler que ce dispositif doit exclure tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d'emplois (C. trav. art. L 1237-19). Le salarié ne doit pas se trouver en situation de devoir choisir entre une rupture conventionnelle et un licenciement, il doit avoir le choix entre un départ volontaire et le maintien dans l'emploi.

A noter :

Faut-il déduire de cette décision que la rupture conventionnelle collective doit nécessairement être écartée par une entreprise qui se réorganise pour des raisons économiques ? Il n'en est rien. La cour administrative d'appel de Versailles a en effet déjà jugé que des suppressions de poste pour un motif économique ne font pas obstacle à la mise en œuvre d'une rupture conventionnelle collective dès lors que les départs des salariés ne sont pas contraints (CAA Versailles 14-3-2019 n° 18VE04158). Par ailleurs, le tribunal administratif de Montreuil vient de décider qu'une entreprise ayant signé un accord de rupture conventionnelle collective peut ensuite mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi, aucune disposition du Code du travail n'interdisant, selon le tribunal, le recours successif ou simultané à ces procédures (TA Montreuil 25-10-2021 n° 2110664 et 2111493 ; les conclusions d'Andreas Löns, Rapporteur public, seront publiées à la RJS 1/22). Ce qui est prohibé par le législateur, c'est de recourir à des licenciements pour atteindre les objectifs visés par l'accord de rupture conventionnelle collective ou de priver les salariés de leur choix d'adhérer ou non à l'accord.

L'annulation de l'accord de rupture conventionnelle collective produit des conséquences sur les ruptures individuelles de contrat de travail conclues sur le fondement de l'accord. Les salariés concernés peuvent s'en prévaloir pour saisir le conseil de prud'hommes d'une contestation de la rupture de leur contrat de travail. Des procédures qui ne manqueront pas de soulever différentes questions liées à la prescription de l'action en justice ou à la sanction du licenciement.

 

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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